Pas de trêve estivale pour les marchés boursiers

 « Sell in May and go away »[1]. Le célèbre adage des investisseurs financiers invitant à sécuriser les plus-values et à s’écarter des marchés pendant la période estivale de l’été, habituellement chahutée, aura encore été vérifié cette année. La volatilité accrue généralement liée à la faiblesse des volumes a toutefois laissé place à une conjugaison d’actualités entrainant une recrudescence de réelles craintes sur le plan économique. C’est, sans grande surprise, une nouvelle fois les banquiers centraux qui ont su apaiser les investisseurs et ainsi permis aux marchés de rebondir.

Des indicateurs économiques mitigés mais loin d’être catastrophiques

Alors que les différentes données économiques américaines marquaient déjà le pas le trimestre précédent, laissant présager d’un essoufflement de l’activité, elles restent une nouvelle fois mitigées ce trimestre. En effet, la dichotomie entre l’industrie manufacturière et le secteur des services persiste, ce dernier se montrant toujours résilient alors que le premier poursuit son déclin. L’indice de la confiance des ménages quant à lui progresse plus qu’attendu par le consensus mais reste toutefois à des niveaux relativement bas, les sondés jugeant la situation actuelle plus préoccupante tandis que les perspectives montrent une amélioration. Pour autant, c’est bien la faiblesse du marché du travail américain qui a fait couler de l’encre ce trimestre, faisant craindre une récession, bien que les données soient à relativiser : même si le chômage affichait des chiffres en hausse, il n’est pas tant dû à une baisse de la demande des entreprises qu’à l’augmentation de la population active. Malgré ces craintes, la publication du PIB du 2e trimestre a été de nature rassurante, s’inscrivant à +3% en rythme annualisé (contre +2% attendu), toujours soutenu par la dynamique de la demande intérieure.

En Europe, les indicateurs macroéconomiques sont globalement positifs et font état d’une amélioration, toujours portés par les services, tandis que l’activité manufacturière continue de se dégrader également. C’est principalement en France que l’on constate un fort rebond du PMI des services, passant de 50,1 en juillet à 55 en août, du fait du regain d’activité lié aux Jeux Olympiques. Alors que les « pays du sud » semblent bien se porter, la conjoncture allemande continue de montrer des signaux de fragilité, impactée par son économie industrielle qui ne cesse de publier des données en demi-teinte.

En Chine, les données se contredisent une nouvelle fois selon l’indicateur regardé. La demande domestique reste globalement assez faible, l’indice manufacturier reste à la peine et le secteur immobilier fragile. Notons toutefois la mise en place de mesures de relance par le gouvernement et la baisse des taux à 3 ans et 5 ans par la banque centrale visant à soutenir la consommation et réduire le niveau d’épargne.

 

Vers une poursuite des assouplissements des politiques monétaires ?

En juin, comme largement anticipé, la Banque Centrale Européenne (BCE) a ajusté sa politique monétaire, en effectuant une baisse de ses taux directeurs de 0,25%. Il s’agit de la 1e fois depuis la création de l’institution que celle-ci initie un cycle baissier en amont de son homologue américaine. Bien que le conseil des gouverneurs de juillet se soit conclu par un statu quo, les chiffres de l’inflation en zone euro ont continué de ralentir tout au long du trimestre, laissant ainsi la porte ouverte à la BCE d’assouplir une nouvelle fois sa politique monétaire. C’est ainsi sans grande surprise qu’elle a une nouvelle fois opéré une baisse de ses taux directeurs lors de sa réunion de septembre, de l’ordre de 0,25% pour son taux de facilité de dépôt (le faisant passer à 3.50%), et de 60 points de base pour ses autres taux directeurs (le taux de refinancement et le taux de facilité de prêt marginal). Christine Lagarde n’a toutefois pas donné d’information complémentaire concernant la trajectoire future de la normalisation de sa politique monétaire, conservant ainsi son approche « data dependent ». La BCE a par ailleurs procédé à la mise à jour de ses perspectives économiques et, bien qu’elles n’aient pas drastiquement changées, elles font état d’une croissance attendue légèrement plus faible que précédemment et d’une inflation légèrement révisée à la hausse pour 2024 et début 2025. L’objectif d’inflation de 2% pourrait être atteint au cours du second semestre de l’année prochaine.

Outre-Atlantique, la Réserve Fédérale (FED) a maintenu ses taux inchangés, arguant que les conditions n’étaient pas encore réunies pour ajuster la politique monétaire américaine. Depuis, le marché de l’emploi a multiplié les signes de ralentissement et l’inflation a poursuivi sa décrue, permettant à Jerome Powell d’affirmer lors du symposium de Jackson Hole « The time has come »[2]. Ainsi, sauf surprise d’ici-là, la prochaine réunion du FOMC du 18 septembre prochain devrait acter un début de baisse des taux directeurs de la FED. Bien que Powell ne se soit pas exprimé quant à l’ampleur ou le rythme d’ajustement de sa politique monétaire, les marchés s’attendent à une baisse de 0,25% ou 0,50%.

Loin de ses habitudes, c’est la Banque du Japon qui a donné des sueurs froides aux places financières ces derniers mois. En effet, cette dernière a annoncé fin juillet un resserrement « surprise » de sa politique monétaire qui a fortement déstabilisé les investisseurs, entrainant le débouclage de nombreuses positions de « carry trade » (opération consistant à emprunter une devise peu rémunératrice, comme le yen, puis à la vendre contre une devise rémunératrice, comme le dollar, afin d’acheter des titres libellés dans cette devise). Depuis quelques années, bon nombre de fonds d’investissement utilisent cette méthode, afin de bénéficier du différentiel de rémunération, et les montants de carry trade ont ainsi atteints plusieurs milliers de milliards de dollars. Or, la remontée des taux directeurs de la Banque du Japon rend le financement en Yen un peu plus cher, et oblige ainsi une majorité des carry trades à être débouclés, entrainant une correction importante des actifs en dollars.

 

Une actualité politique qui a fait parler d’elle

L’actualité politique a quant à elle été très riche ces trois derniers mois. Celles ayant le plus de résonnance à l’international sont bien évidemment la tentative infructueuse d’assassinat de Donald Trump ainsi que l’annonce du retrait de la course à la présidentielle de l’actuel président des Etats-Unis, Joe Biden, au profit de sa vice-présidente Kamala Harris. Cette nouvelle a été particulièrement bien accueillie par les marchés et selon les sondages, Kamala Harris serait désormais à égalité voire devant Donald Trump dans 7 états-clés (« swing states ») dans la course à la présidence. Alors qu’un mandat d’Harris s’inscrirait dans la continuité de celui de Biden, l’élection de Trump pourrait avoir un impact conséquent sur de multiples sujets : politique isolationniste, guerre commerciale plus intense avec l’Europe et la Chine, désengagement militaire en Ukraine, engagement politique au Proche-Orient, … A ce jour, l’issue de cette élection reste très incertaine.

En France, c’est Emmanuel Macron qui a surpris en opérant une dissolution surprise de l’Assemblée Nationale en juin suite aux élections européennes, qui a eu pour conséquence de nouvelles élections législatives. Cette période a entrainé un fort regain de volatilité sur le marché français du fait du score élevé des partis d’extrême, occasionnant un manque de clarté du paysage politique français à court terme. Et après une « trêve olympique », c’est le sujet de la nomination du Premier Ministre qui a animé les débats. Finalement, début septembre E.Macron a nommé Michel Barnier, ancien ministre et négociateur du Brexit , à ce poste.

 

Une saison estivale mouvementée sur les marchés boursiers

Dans cet environnement riche en actualités et rebondissements, les marchés financiers ont logiquement connu un regain de volatilité et des rotations sectorielles et géographiques importantes. Pourtant, bien que de nombreuses craintes aient refait surface, les baisses attendues sur les politiques monétaires américaine et européenne ont permis aux marchés de se reprendre et faire état d’une évolution globale sur les 3 derniers mois plutôt stable, voire positive, à l’exception du marché français.

En effet, si le CAC40 a perdu 4,5% sur 3 mois glissant à fin août, ramenant sa performance depuis le début de l’année à +1,2%, l’Eurostoxx n’a rendu que -0,5% sur la même période. Et avec des évolutions du S&P500 et du MSCI Emerging de respectivement +7,0% et +4,9% sur les 3 derniers mois également, il apparait logique que l’indice mondiale MSCI World réalise une performance +6,3%, soit une évolution de +15% depuis le début de l’année. Des chiffres qui témoignent donc d’une réelle disparité géographique.

 

Nous faisions déjà preuve de prudence le trimestre précédent arguant que les marchés étaient hautement inconstants et qu’ils avaient la capacité de changer de tendance directionnelle à une vitesse impressionnante. Nous réitérons aujourd’hui ce constat, d’autant plus que les indicateurs économiques, aux quatre coins du globe, restent relativement mitigés, se contredisant même parfois. Par ailleurs, la situation géopolitique risque de rester sous pression jusqu’aux élections présidentielles américaines qui se tiendront en novembre. Bien que nous ne voyions pas le scénario d’une récession violente se concrétiser, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, nous pensons que la volatilité risque de rester sur des niveaux élevés ces prochains mois mais aussi d’être porteurs d’opportunités d’investissement. A l’instar de nos précédentes lettres, nous conseillons toujours de profiter de manière graduelle des opportunités. Plus que jamais, la diversification d’une allocation restera primordiale, à la fois en termes de classes d’actifs, mais également au niveau géographique où l’on observe de réelles disparités selon les zones et les secteurs.

Notre vision long terme reste inchangée et nous continuons de privilégier les sociétés de croissance et de qualité, les thématiques porteuses (eau, énergies renouvelables, infrastructures, …) et les stratégiques de décorrélation. Les actifs obligataires représentent, à notre sens, une opportunité toujours intéressante à moyen terme et contribuera à améliorer la diversification des portefeuilles. Une petite exposition opportuniste sur les petites et moyennes capitalisations pourrait également être intéressante à mettre en place dans les mois à venir, surtout si le scénario d’une franche baisse de taux venait à se confirmer.

 

 

[1] Vendez en mai et partez

[2] L’heure est venue

 

Article rédigé par SAPIENTA GESTION.

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